Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Aphasie Sophistiquée
28 mars 2011

5. Archives sporadiques (I)

[Je l'ai dit : ceci est un journal. Il ne s'agit pas de se la péter en décrivant mon malheur avec de belles phrases. Enfin, toujours un peu, parce que j'ai ces travers là, du poète de mes couilles. Mais c'est ici, un travail scientifique visant à un but. Je décide de reproduire, sporadiquement, de extraits de mes Ô grandes oeuvres, parce que ceux choisis contiennent ce substrat conjoint à mon existence. Autrement dit : c'est des personnages à qui il arrive des choses de ma vie. Oui, tu comprends, je suis un poète, un artiste et moi je transcende mon expérience dans l'art, tu vois. Enfin, tu verras, ces morceaux choisis, je les mets là, en complément, et on verra vite que j'ai raison de le faire. Et d'ailleurs qui s'en soucie ?]

« J'écris pour faire savoir mon existence. Un jour il faudra que tu ouvres cette porte et me laisse entrer. Ça ne pourra pas tenir toute une vie de n'être qu'une ombre ; être celui que je suis. Maman dit tant que je te ressemble – et cette seule photo que j'ai de toi dans mon portefeuille, au milieu de toutes ces photos de gens importants que je garde en souvenir, cette seule photo de toi me fait savoir à quel point elle doit se tromper. Pourtant peut-être est-ce vrai. Alors je t'imagine et je cherche à savoir le décors où tu évolues. J'ai une fois appelé à ton travail et la secrétaire a dit que tu étais en voiture, sur le terrain ; et toi, sur le terrain, où allais-tu alors ? Aucune image ne s'imposera jamais, car chacune chasse l'autre. Le soir tu rentres chez toi et ta famille t'attend. Leur as-tu dis que tu m'as raccroché au nez cet autre jour où j'avais appelé pour te parler ? De là où je suis, j'ai toujours su ce que faisais l'absence d'un père ; mais d'un père qui existe comme le personnage d'une histoire dont on parle. Le héros de l'histoire que raconte maman, qu'elle a rencontré devant la poste ce jour où son amie l'y avait traînée, alors qu'elle ne voulait pas. Dis-moi, quelle est la sensation de celui qui connait l'absence d'un fils et n'en a jamais parlé à quiconque ? Je retiens cette idée du fantôme ; et moi-même en ai connu trop pour mon jeune âge. Comment fais-tu, toi ?
Je n'attends aucune réponse de ta part. Je n'y crois déjà plus. Peut-être au moins cette lettre te seras l'histoire du fantôme que je suis.

Sean. »

Publicité
Publicité
Commentaires
Aphasie Sophistiquée
Publicité
Archives
Aphasie Sophistiquée
Publicité