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Aphasie Sophistiquée
29 mars 2011

8. Add selection

C'est vraiment ça, je me sens comme un château hanté, tout en ruine, poussiéreux et avec ceux qui y ont vécu, devenus ces images floues, invisibles même, oui, tu ne les vois pas et pourtant ils déplacent les meubles. De temps en temps, la nuit peut-être, ils chuchotent des choses. Toi, tu me parles, tu es là dans la réalité – ce que je perçois comme tel – et dans les rêves. Tu dis des choses qui m'éclairent. Et parfois tu fais chier. Faut gérer avec ça, faut savoir peser les mots et les actes et des fois je sais pas faire. Alors bon, je te regarde, j'ai envie de filer, de claquer la porte et de t'envoyer bouler. Des fois de m'envoyer bouler moi, ou de me coucher en collant la face sur le carrelage froid, tout en fixant les yeux raides, cette tâche au mur qui ressemble,qui ressemble à, ressemble à un, une sorte de visage méchant. OK, tu dis, bon, si c'est ça que tu veux, dis-le, non ? Ah, je sais pas ce que je veux, je dis. Tu ferais bien pourtant, tu réponds, faut faire des choix. Alors y a un conciliabule entre moi, moi et moi, et chacun on dessine des plans de ce qui pourrait se passer selon quelle route on prendrait, ou pas. Souvent toutes les options nous paraissent bien et malheureusement, y en a toujours un pour pas être d'accord, préférer ça à ça, parce que tu comprends, là on pourrait faire ceci, ce qui est pas mal, mais ici, ben il y a cette autre inclinaison, ou encore... tu vois l'enjeu du débat ? Au final, comme on est toutes les envies dans un seul corps, on fait ça plus ou moins avec un système complexe de points, voire dans les pires cas à pile ou face. Faudrait alors pour qu'il y ait pas de jaloux, seulement faire des choix nuls, tous pourris, comme ça, ça règlerait la situation radicalement. N'empêche, comme j'ai pas encore opté pour cette solution là, ça fait quelques embrouilles et des regrets déplacés parce que, comme tu dis, quand tu fais un choix, c'est ton choix et c'est une belle perte de temps de le passer à penser à ce qui se serait passé si t'avais fait autrement, puisque maintenant tu es là où tu es, selon le choix fait. À croire, c'est ce que tu pourras leur dire quand ils te demanderont quoi écrire sur ma tombe, que j'aimais pas mal perdre mon temps. Ça, et pleurer ensuite de l'avoir perdu. Alors, oui, ça fait pas mal de petits fantômes idiots qui me rongent l'habitacle et me rappellent d'ailleurs tout ce que je n'ai pas fait, comme rouler une pelle à cette fille à la sortie du métro bien que je sache que ç'aurait été une très mauvaise idée, ou rendre ce dossier plus tôt, ou déclarer ma situation différemment à la CAF, ou peut-être me raser mieux ce jour là pour l'entretien, ou acheter ce petit livre qui me plaisait chez les bouquinistes, ou regarder tel jour plutôt cette série avec des vampires que celle avec les dealers, ou d'avoir fait pour une fois un peu d'économies, ou ne pas payer pour ce café que je n'avait pas tellement envie de boire... etc (liste non exhaustive). Dans le métro, alors, je pose ma tête contre la paroi, puis la barre de fer froide. Je croise les jambes, j'ai cet air de celui qui sait pas où se mettre. Puis, dans les buffets et les petites mondanités avec des enjeux minimaux, je me place toujours à cet endroit, interstice entre ce qui pourrait se passer et ce qui ne se passe pas.

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