11. Arbre sépulcre (première livraison)

Mémé Figus, tu la vois sur les photos, à cinquante ans, elle avait la même tête, qu'à quatre vingt. Un jour elle me dit : "Je n'ai plus jamais été heureuse, depuis que mon père est mort, quand j'avais huit ans".  En avant l'amusement, parce que, elle m'explique ensuite, que c'était elle qui s'occupait de ses frères et soeurs, tandis que sa mère allait se crever à la mine. Pépé Figus, tout le monde raconte que c'était un rigolo, il était homme canon dans un cirque, et à 14 ans il a fugué dans ce but. Ma grand-mère, la fille de Carmelle, ou mémé Figus, elle, elle prit en somme le relais, même si c'était pas tout à fait l'aînée, ils étaient bien sept ou huit frères et soeurs, ça sans compter ceux qui sont morts. Je la vois bien, Carmelle, déjà vieille à trente ans, toujours à se lamenter, à parler de ses douleurs, refiler le boulot à Zaza (ma grand-mère, la mère de ma mère), parce qu'elle pouvait pas bouger et que soudain elle faisait un crise d'angoisse sans savoir ce que c'était et comme une vraie italienne pied-noir en rajouter dans le mélodrame. Maman raconte qu'une fois à Marseille, elle était toute petite, mamie Zaza, sa maman, fit une crise de spasmophilie, je te dis pas, elle, elle était toute gamine, c'était la première fois qu'elle allait à Marseille, elle tenait fort la main de sa soeur , Jacqueline. Tu connais la spasmophilie ? je te raconte un jour. Zaza, alors elle aussi elle jouait au jeu. Elle se roulait par terre et elle pleurait et se frappait le visage et criait en italien : "c'est ma faute, ma grande faute !" Et Marie-Anne, elle allait faire la vaisselle, parce que si elle trainait, rien qu'un peu, t'avais Jules qui disait : "Mais qu'est-ce qu'elle fait encore là à rien faire, celle-là ? Va aider ta mère !" (à suivre...)