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Aphasie Sophistiquée
10 avril 2011

18. Après-midi, samedi

On est dans un parc, sur la pelouse, avec les gens de son école. C'est un jour ensoleillé qui promet un printemps suivi d'un été étouffant. On fait un pic-nique, on est en rond sur une couverture. On a beaucoup marché et elle, elle s'est plainte de ça. On est sur très grand carré, là où des groupes se réunissent. Moi, j'apprends l'espagnol, alors maintenant c'est moins grave de se réunir avec tous ces sudacs, je comprends un peu mieux depuis quelque temps, même si c'est pas toujours ça, et que c'est un peu chiant pour participer. Mais ils ont choisi ce coin sans ombre, peut-être parce qu'enfin le soleil est là après ce long hiver et qu'il faut en profiter. Moi, j'ai toujours détesté l'été et la chaleur. Ça m'écrase, ça me fout des migraines et je me tape des coups de soleil. Avant, je me la jouait mélancolique bêtas, à préférer les jours de pluie, ça allait bien avec les larmoiements. Bon, mais paraît que y a une vitamine dans les rayons du soleil, qui te fait être heureux, c'est scientifique, je veux bien te croire, si tu le dis.  Mais, cet après-midi, où ça tape bien, je commence à me sentir mal et très vite je veux me barrer et je commence à demander sérieux quand c'est qu'on va y aller. Je finis par me coucher et dormir, la tête à l'ombre de mon Jansport. Puis, je me réveille, il est déjà tard et ce fichu soleil tape toujours. Je suis faîblichon, et ça parle encore. Je m'essaye à une certaine contenance, mais je dois faire un peu la gueule, j'en suis assez certain.

Là, je revois maman, dans les réunions familiales. Toujours, de loin, je la voyais et je savais bien quand ça allait ou pas. Ça ce reconnaissait sur son visage, ce truc agaçant qui lui donnait un air un peu bourgeois supérieur. Comme à force, elle faisait chier et que ça avait l'air toujours d'un énième caprice de Marie-Anne, elle est comme ça, elle essayait d'avoir l'air normal, de faire celle qui suivait les discussions, elle hochait même la tête, faisait des "hin hin", mais si t'avais l'oeil, tu voyais, elle était ailleurs, à lutter avec son pauvre corps, soit qu'elle étouffait, soit que l'ennui (je te parle d'un ennui vraiment profond) la terrassait, la tirant vers le bas, soit que l'endroit enfumé lui fichait mal à la tête, soit qu'elle était faible, soit que le bruit et les gens lui filaient des angoisses... Ça, ça nous faisait chier, à Geo, Yor et moi. Des fois, on se demandait, putain, c'est quoi cette mère qu'on a. Surtout, quand elle avait des mecs, un peu insensibles, ou bien robustes, le genre que rien ne dérange, jamais ils pouvaient comprendre ses besoins. Toujours quelqu'un à croire avec certitude que c'était une emmerdeuse. Pourtant, aujourd'hui, je me vois faire ces mêmes gestes, tenir mes cheveux dans mon cou quand il fait trop chaud, regarder ailleurs et ne pas tenir en place, quand la situation extérieure m'est si désagréable qu'il ne m'est plus possible de faire autrement. Comme si la volonté n'avais plus d'effet, comme si, quoi qu'il en soit en vrai, ton corps te fasse croire que c'est fichu.


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Commentaires
R
c'est dur de rompre avec une tradition familiale
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